
Interférence de l’industrie du tabac en RDC
L’article 113 de la loi-cadre n° 18/035 sur l’organisation de la santé publique en RDC interdit toute forme d’ingérence de l’industrie du tabac dans la politique gouvernementale.
Historiquement, l’industrie du tabac s’est opposée aux efforts de la lutte antitabac. L’article 5.3 de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la Santé pour la lutte antitabac (CCLAT) reconnaît la nécessité de contrer tout effort de l’industrie du tabac visant à subvertir les politiques de lutte antitabac.
L’industrie du tabac utilise une multitude de tactiques pour façonner et influencer la politique de lutte antitabac. Elle utilise ses mécanismes de lobbying et de marketing pour manipuler les médias afin de discréditer la recherche scientifique éprouvée et d’influencer les gouvernements pour promouvoir et distribuer leurs produits.
L’industrie du tabac utilise une multitude de tactiques pour façonner et influencer les politiques. Elle utilise ses mécanismes de lobbying et de marketing pour manipuler les médias afin de discréditer les recherches scientifiques éprouvées et d’influencer les gouvernements pour qu’ils promeuvent et distribuent leurs produits. En outre, l’industrie du tabac en RDC gagne en visibilité et en soutien par le biais du parrainage d’événements publics et de dons dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises.
Cet article donne un aperçu de l’ingérence de l’industrie du tabac en RDC, notamment en ce qui concerne les aspects suivants :
- Historique de l’interférence de l’industrie en RDC
- Le marché du tabac en RDC
- Faits et mythes relatifs à l’industrie du tabac
- Tactiques de l’industrie du tabac
- Recommandations pour lutter contre l’ingérence de l’industrie en RDC
L’article 5.3 de la CCLAT de l’OMS décrit les intérêts de l’industrie du tabac comme inconciliables avec les intérêts de la santé publique. Les États doivent donc protéger leurs politiques de santé publique contre l’ingérence de l’industrie du tabac.
Les indicateurs d’ingérence de l’industrie du tabac sont destinés à mesurer le niveau d’ingérence de l’industrie ainsi que les réponses mises en œuvre par les autorités publiques pour appliquer l’article 5.3.
Sur la base des lignes directrices de l’OMS relatives à l’article 5.3 de la CCLAT, l’ingérence de l’industrie du tabac dans les procédures gouvernementales peut être identifiée à l’aide des six indicateurs suivants :
Participation de l’industrie aux politiques de lutte antitabac
Participation de l’industrie aux politiques de lutte antitabac
L’industrie du tabac, par le biais des groupes de pression, a tenté d’influencer la législation antitabac en RDC. L’analyse des données secondaires révèle un certain nombre de résultats clés :
A titre d’exemple :
En mai 2022, l’industrie du tabac, par l’intermédiaire de la Fédération des Entreprises du Congo (FEC), a exigé le retrait du décret du ministre des Finances mettant en œuvre le système de traçabilité des droits d’accises (STDA), qui exige que les autocollants fiscaux marquent les produits fabriqués localement, les cigarettes importées et d’autres produits du tabac.
Activités de responsabilité sociale des entreprises (RSE) liées au tabac
Activités de responsabilité sociale des entreprises (RSE) liées au tabac
L’industrie du tabac a souvent eu recours à des activités de RSE pour améliorer son image sociale aux yeux du public, bien que cette pratique soit interdite par la CCLAT.
A titre d’exemple :
En 2011, l’industrie du tabac a financé la rénovation d’un pavillon hospitalier et a invité des dirigeants à la cérémonie d’ouverture, tandis qu’en 2012, l’industrie a fait un don à un fonds de recherche sur la drépanocytose pédiatrique lors d’une célébration des femmes à Goma.
Avantages et traitement préférentiel accordés à l’industrie du tabac
Activités de responsabilité sociale des entreprises (RSE) liées au tabac
Le gouvernement peut accorder un traitement préférentiel, des privilèges, des exemptions ou des avantages aux industries du tabac.
A titre d’exemple :
En 2021, le non-paiement par la BAT des droits d’accise pour 189 importations d’une valeur de 12 925 149 $ met en évidence un troublant déficit de conformité. Cette situation reflète un traitement préférentiel potentiel ou des exonérations accordées à l’industrie du tabac, privant la RDC de 2 585 030 $ de recettes. De tels avantages nuisent à l’équité fiscale et affaiblissent la capacité du gouvernement à mettre en œuvre des politiques fiscales et de santé publique.
Engagement des fonctionnaires dans des interactions inutiles avec l’industrie du tabac
Engagement des fonctionnaires dans des interactions inutiles avec l’industrie du tabac
Il s’agit notamment de l’acceptation ou de l’offre par le gouvernement d’une assistance à l’industrie du tabac en matière d’application de la loi, de la rencontre ou de l’entretien des relations entre des hauts fonctionnaires (tels que le président, le premier ministre ou des ministres) et des entreprises ou des employés du secteur du tabac, même lorsque cela n’est pas strictement nécessaire pour la réglementation; et de l’acceptation, du soutien, de l’approbation ou de la conclusion des partenariats ou d’accords avec l’industrie du tabac par le gouvernement
Mesures de transparence et relations avec l’industrie du tabac
Mesures de transparence et relations avec l’industrie du tabac
Le manque de transparence dans les relations entre les organes gouvernementaux et l’industrie du tabac, ainsi que l’absence de procédures de contrôle des interactions avec l’industrie constituent un problème dans de nombreux pays et ont facilité l’ingérence de l’industrie dans les décisions publiques.
A titre d’exemple :
L’ONG STOP a dénoncé « les stratégies trompeuses de l’industrie du tabac en Afrique » et a également accusé British American Tobacco (BAT) d’effectuer des paiements douteux en Afrique. Les membres du groupe de recherche ont trouvé 236 « paiements douteux » effectués au Burundi, aux Comores, en RDC, au Kenya, au Malawi, au Rwanda, au Soudan, en Tanzanie, en Ouganda et en Zambie pour un montant total de 601 502 USD
(1,2 milliard de francs congolais).Conflits d’intérêts et mesures préventives
Conflits d’intérêts et mesures préventives
Les conflits d’intérêts surviennent lorsqu’une personne ou une organisation doit gérer plusieurs intérêts contradictoires, dont l’un au moins peut corrompre la motivation à agir sur les autres. Dans ce cas, les intérêts de l’industrie du tabac sont en conflit avec ceux de la politique de santé publique.
A titre d’exemple :
La RDC dispose d’un code de déontologie régissant le comportement des fonctionnaires qui, malheureusement, n’intègre pas encore spécifiquement les dispositions de l’article 5.3 sur l’ingérence de l’industrie du tabac.
Part de marché des fabricants de tabac en 2021
Selon les données de la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA), BAT est le plus grand importateur de tabac du pays, avec une part de marché de 62,5 %. Les autres acteurs clés sont SHENIMED SPRL avec 34,12 %, Etoile du Congo (1,96 %) et DRC Duty Free International SPRL (0,96 %). Les importations de tabac en franchise de droits en RDC représentaient 90,3 milliards de francs congolais en 2021. Cela représente un déficit de 15,9 milliards de francs congolais dû au non-paiement de l’impôt.
Part de marché des entreprises du tabac en 2021
Source: Part de marché des fabricants de tabac en 2021 (DGDA, 2021)
L’industrie du tabac déforme les faits pour vendre ses produits.
Les fabricants de tabac ont passé des décennies à discréditer et à recadrer les données scientifiques sur les risques pour la santé des produits du tabac.Ce module partage quelques mythes dominants diffusés en RDC:
Mythe : L’industrie du tabac offre de nombreux emplois et d’autres opportunités à la jeunesse congolaise.
Réalité : Le nombre d’emplois fournis par les fabricants de tabac n’est pas aussi élevé que le prétendent certaines campagnes médiatiques telles que le concours Battle of the Minds en 2015 et 2019 de la BAT lorsqu’il cible les étudiants.
Mythe : Le tabagisme passif peut gêner les gens, mais il n’est pas dangereux.
Réalité : L’article 8 de la CCLAT souligne que l’exposition à la fumée secondaire du tabac provoque des maladies, des incapacités et des décès. La fumée secondaire se compose des émissions des cigarettes, des pipes et des cigares, ainsi que des substances inhalées, et contient de nombreux produits chimiques, dont plus de 50 substances cancérigènes connue.
Mythe : Fumer la chicha est moins nocif que fumer une cigarette.
Réalité : La fumée de la chicha est très nocive pour les poumons. En outre, la chicha peut entraîner de graves problèmes de santé, tels que des pertes de mémoire.
Mythe : L’industrie du tabac est vitale pour l’économie.
Réalité : Selon l’OMS, l’industrie du tabac et l’impact mortel des produits qu’elle fabrique coûtent aux économies du monde entier plus de 1 000 milliards de dollars (USD) par an en dépenses de santé et en perte de productivité.
Mythe : Les producteurs de tabac sont prospères.
Réalité : L’industrie du tabac prête de l’argent aux petits exploitants pour leurs activités agricoles. Cependant, même en cas de mauvaise production, les agriculteurs sont toujours tenus de rembourser leurs dettes.
Au niveau mondial, l’industrie du tabac a utilisé diverses tactiques pour entraver l’adoption et la mise en œuvre des mesures de lutte antitabac. Ces tactiques sont également utilisées en RDC, notamment
:
- Manœuvrer pour détourner les processus politiques et législatifs ;
- Exagérer l’importance économique de l’industrie ;
- Manipuler l’opinion publique pour obtenir une apparence de respectabilité ;
- Soutenir les activités des groupes de façade pour supprimer certains faits concernant le tabagisme ;
- Discréditer les preuves scientifiques avérées ;
- Intimider les gouvernements par des litiges ou des menaces de litiges ;
- Déployer des engagements de responsabilité sociale d’entreprise pour compromettre des fonctionnaires.
L’article 5.3 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) stipule que les politiques de santé publique en matière de lutte antitabac ne doivent pas être influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac.
La loi n° 18/035 du 13 décembre 1998 établit les principes fondamentaux de l’organisation de la santé publique en RDC et interdit toute forme d’ingérence de l’industrie du tabac. Cependant, des mesures efficaces de mise en œuvre n’ont pas encore été prises. Un rapport d’évaluation des besoins pour la mise en œuvre de la CCLAT par le secrétariat de la convention de l’OMS sur la RDC en 2015
a partagé un certain nombre de recommandations sur la lutte contre l’ingérence de l’industrie du tabac, qui sont complétées ici par d’autres recommandations comme suit :- La RDC ne doit pas permettre à une personne employée par l’industrie du tabac ou par une entité vouée à la promotion de ses intérêts de siéger dans un organisme public, un comité ou un groupe consultatif qui élabore ou met en œuvre des mesures de lutte antitabac ou une politique de santé publique ;
- La RDC ne doit pas accepter, soutenir ou approuver un code de conduite volontaire ou un instrument proposé par l’industrie du tabac comme substitut à des mesures de lutte antitabac légalement applicables, ni approuver une offre d’assistance ou une proposition de législation ou de politique de lutte antitabac élaborée par l’industrie du tabac ou en collaboration avec elle ;
- La RDC ne doit pas autoriser un fonctionnaire ou un employé de l’État ou d’un organisme semi-public ou parapublic à accepter des paiements, des cadeaux ou des services, en espèces ou en nature, de la part de l’industrie du tabac ;
- La RDC doit garantir la transparence totale de toutes les interactions entre les fonctionnaires et l’industrie du tabac, y compris la divulgation publique de la nature, du calendrier et du contenu de toute réunion ou correspondance ;
- La RDC doit s’abstenir d’approuver ou de soutenir des activités décrites comme socialement responsables par l’industrie du tabac, ainsi que de former des partenariats pour ces activités ou d’y participer ;
- La RDC dispose d’un code de conduite pour les fonctionnaires, mais il ne contient pas de dispositions sur l’ingérence de l’industrie du tabac dans les politiques de santé publique. Il est donc recommandé que ce code de conduite soit mis à jour pour inclure les lignes directrices énoncées à l’article 5.3 de la CCLAT.